Blancpain les temps immémoriaux de la grande horlogerie
Blancpain est telle la mer de Shakespeare, suggérant les cycles de la vie et du temps. La « plus ancienne marque horlogère du monde » est au pinacle du club très fermé des marques suisses les plus désirées et les plus belles. Manufacture de la plongeuse la plus connue, mais aussi de montres souvent équipées de complications horlogères (phases de lune, tourbillon, et même figures érotiques), c’est avant tout la manufacture du chic discret des montres de tradition et des plus belles sophistications de haute horlogerie, au poignet des plus grands amateurs et chefs d’entreprises. Plongeons en immersion dans l’histoire de Blancpain et de l’iconique montre Fifty Fathoms en 4 actes… aux accents shakespeariens !
Acte 1 : Aux temps baptismaux de l’horlogerie
Fondée en 1735 par Jehan-Jacques Blancpain, la manufacture horlogère éponyme est la plus ancienne au monde. Blancpain n’a cessé de repousser toujours plus loin les limites de l’art horloger au cours de ses près de trois siècles d’existence. Parmi ses grandes réussites, le perfectionnement du tourbillon (mécanisme inventé en 1801, visant à réduire les effets de la gravité terrestre sur le fonctionnement du mouvement), la petite seconde et les complications astrologiques.
Deux siècles plus tard, elle invente la première montre de plongée, le modèle Fifty Fathoms. Tous les composants des montres sont fabriqués par Blancpain dans sa manufacture. Ici, à la Vallée de Joux, on grave, on décore, on assemble… on fabrique le temps comme une véritable œuvre d’art mécanique.
Blancpain est l’une des seules maisons capables de maîtriser toutes les grandes complications horlogères, comme la répétition minutes (qui sonne les heures, les quarts et les minutes) ou encore le tourbillon et le courrousel. La plupart des machines et des outils sont imaginés et produits par la manufacture, ce qui lui permet de conserver précieusement tous ses secrets de fabrication.
Acte 2 : Aux temps fondateurs des plongeuses
Nous sommes au début des années 1950 en France. Claude Riffaud, alors enseigne de vaisseau du Commando François, propose à l’état-major de la Marine la création d’un corps d’élite tricolore. Cela sera chose faite en 1952 avec l’institution officielle des commandos d’actions sous-marines et des nageurs de combat, dont le Commando Hubert, mis en œuvre par le capitaine Robert « Bob » Maloubier, ancien agent secret du Special Operations Executive britannique de Churchill.
Pour leurs missions, le groupe d’assaut marin s’équipe de nombreux instruments comme des boussoles, des jauges de profondeur et des montres. Très vite, le constat se fait : il leur manque un outil de mesure du temps hyper fiable, adapté à leurs besoins. C’est là qu’entre en jeu Jean-Jacques Fiechter, directeur de la maison Blancpain entre 1950 et 1980 et passionné des fonds marins. Lors d’une plongée à Cannes, l’un de ses lieux de villégiature de prédilection, il frôle l’accident de plongée en n’ayant pas tenu compte du temps de plongée. Cette malheureuse expérience, qui aurait pu lui être fatale, l’amène à s’interroger sur la création d’un instrument de mesure du temps sécurisant tous plongeurs.
Ensemble, Maloubier, Riffaud et Fiechter vont créer le cahier des charges de ce qui deviendra « les plongeuses » en horlogerie : parfaitement étanche, d’une lecture surdimensionnée. Elle deviendra celle de tous les amoureux des abysses, et d’abord leur propre montre de plongée : ce sera la Fifty Fathoms. C’est en 1953 que Blancpain présente officiellement cette montre qui deviendra la référence « franco-suisse » des plongeuses. Cette dernière bénéficie de trois brevets déposés par Jean-Jacques Fiechter : une couronne doublement verrouillée, un fond vissé par un système de joints toriques et une lunette munie d’un mécanisme de blocage.
Depuis, la montre fait office de l’archétype des plongeuses pour l’ensemble de l’industrie horlogère, ayant été adoptée par de nombreux corps d’armée à travers le globe sans oublier sa popularisation à l’écran par le célèbre Jacques-Yves Cousteau dont l’équipe arborait la Fifty Fathoms en 1954 dans sur le tournage film Le Monde du silence de Louis Malle. Mais que signifie exactement « Fifty Fathoms » en lien avec l’horlogerie ? Cela représente tout simplement le seuil de sécurité en plongée de 50 brasses, soit 91 mètres, la profondeur maximale pouvant être atteinte par un plongeur autonome avec de l’air normal comprimé à 200 bars.
Au fil des années, la Fifty Fathoms devient l’icône des plongeurs du monde entier, portée par des légendes telles que le commandant Cousteau et les Navy Seals américains, et se voit consacrée comme modèle de plongée originale par excellence.
Mais Blancpain ne se contente pas d’être une marque de montres de luxe ; elle devient également une protectrice des océans avec ses initiatives qui ont débuté en 2003 et qui sont regroupées 2014 sous le nom de Blancpain Ocean Commitment.
Acte 3 : Au temps de la gloire horlogère
Retour historique sur la flèche du temps business de cette marque : les ateliers de la maison Blancpain – rachetée en 1992 par la Société de microélectronique et d’horlogerie, appartiennent depuis 1998 à The Swatch Group, après avoir été la propriété de Jean-Claude Biver, pour qui cette revente est la tragédie de sa vie.
Installée dans une ancienne ferme restaurée, à 50 kilomètres de Lausanne (Suisse), entourée de forêts, le calme environnant, dans la vallée de Joux, est à l’image de l’atmosphère qui règne dans cette manufacture. Une cinquantaine d’artisans sont répartis sur trois étages, où le bois de cerisier – matériau traditionnel des établis d’horloger – est omniprésent. Pierre-Yves Donzé dans son livre Histoire du Swatch Group – Editions Alphil raconte très bien cette histoire « Le rachat de Blancpain en 1992 fait entrer l’histoire et la tradition dans le Swatch Group. Cette marque provenait de la société Rayville SA – Montres Blancpain, une petite entreprise familiale de Villeret, dans le Jura bernois, acquise en 1961 par la SSIH dans le cadre de sa stratégie d’expansion de la capacité de production par l’acquisition d’autres entreprises. Elle permet à Omega de s’approvisionner ainsi en montres-bijoux de petit calibre, l’une des spécialités de Blancpain après la Seconde Guerre mondiale. Cette marque est cependant peu à peu délaissée par la SSIH, qui la cède en 1983 pour une somme de 18 000 francs à Jean-Claude Biver, un ancien manager de la compagnie d’horlogerie Audemars Piguet, et à Jacques Piguet, directeur de la maison Frédéric Piguet SA, l’une des rares fabriques indépendantes de mouvements haut de gamme. La stratégie adoptée par Biver, qualifié de « vendeur de nostalgie » par la presse suisse (Le Nouveau Quotidien, 13 octobre 1991), va à contre-courant de l’ensemble de l’industrie de l’époque (et avec raison aujourd’hui) : refusant le quartz, il construit l’image d’une marque basée sur la tradition et l’excellence technique, fondements de la montée en gamme de la marque. Il installe ainsi l’entreprise au Brassus, qui est le siège historique de la production de montres de grande complication ».
Cette localisation – dans ce qui est aujourd’hui le berceau horloger, où sont présentes les manufactures Audemars-Piguet et Jaeger-LeCoultre depuis leur début, assoit cette légitimité technique et historique de Blancpain par cette relocalisation. On pense immédiatement à l’inspiration marketing shakespearienne de Blancpain, qui réplique le même principe à l’occasion du 70ème anniversaire de sa Fifty Fathoms, avec à l’apogée des célébrations, une pièce en édition limitée nommée… Et la boucle est bouclée.
Pour son jubilé de platine, elle s’offre aussi une collaboration inédite avec Swatch. Cette collaboration unique, incarnant l’alliance entre tradition horlogère et innovation, promeut l’héritage de la Fifty Fathoms et soutient encore davantage la cause océanique.